Zeuhl 5

Grâce à Steve Davis, star du sport anglais, producteur des trois concerts londoniens de janvier et dont la passion pour Magma remonte à son dernier passage à Londres en 1975, le groupe phœnix de Christian Vander vient de faire un come back fracassant sur la scène anglaise.

Deux soirs archi-combles au Bloomsbury Theatre et un public, se levant au deuxième rappel pour ovationner les douze musiciens, complètement lessivés après un concert " magique " de plus de trois heures.

Le directeur du Bloomsbury décidait de rempiler en juin pour plusieurs jours, Melody Maker trouvait le concert " Bloody great " et une critique musicale rencontrée le soir de la première me confiait qu'elle n'avait rien entendu d'aussi nouveau et d'aussi puissant depuis bien longtemps.

Il faut dire que Vander qui ne fait jamais les choses a la légère avait décidé de présenter un programme en deux volets très bien agencé, avec en première partie " Cosmos ", " A Fiïèh ", " Joïa " et " Another Day ", compositions récentes de sa formation acoustique Offering et un très long extrait de son symphonique " Zëss " du répertoire Magma qu'on n'avait pas entendu depuis Bobino. Une présentation retravaillée jusque dans la mise en scène avec costumes de personnages " lovecraftiens ", projections de dessins rappelant les délires intergalactiques de Druillet et effets spéciaux. Ce long morceau au souffle épique, aux chœurs grandioses et obsédants et à la rythmique frénétique restera comme l'œuvre maîtresse des musiques écrites par Christian Vander pour Magma. " Zëss " est un stupéfiant poème sur l'Apocalypse au lyrisme à la fois angoissant et exaltant. Dommage que l'on ne l'entende pas plus souvent en France. Son enregistrement serait parait-il pour bientôt. A noter, dans " Joïa ", le Chant Du Sorcier, un long et superbe solo de percussions de Pierre Marcault, de retour de Guinée, à qui les leçons des maîtres tambours semblent avoir bien profité. Les concerts faisaient appel à deux batteurs, Jean-Claude Buire et Marc Delouya. Une particularité rythmique à double fonction : enrichir celle-ci grâce aux interventions libres des batteurs et renforcer l'assise des breaks et de la pulsation sur les passages ecrits. Cette utilisation de la polyrythmie, percussions, double batterie, pianos de Guy Khalifa et du jeune pianiste Emmanuel Borghi (qu'on peut entendre dans le Trio Vander) ainsi que les basses de Jean Marc Jafet et de Frédéric Briet rythmant les quelques accords de base est l'une des originalités du travail musical actuel de Vander. Exploiter à fond le thème, de l'intérieur en développant ses ressources harmoniques et ses décompositions rythmiques.

Au deuxième rappel Christian faisait suite à Guy Khalifa qui joue l'un des morceaux du triptyque " Mazur Kujiawiaki Oberek " du compositeur polonais Milosz Magin. Il interpréta le bouleversant " Ehn Deiss ". II y aurait une foule de choses a dire des prestations de Stella Vander, débordante d'énergie et de vivacité dans le duo d'Another Day et de virtuosité vocale dans le délicat " Tïlïm M'Dohm " et de Vander lui-même, sa présence sur scène impressionnante (on pense à James Brown), ses prouesses vocales, surtout quand il imite avec sa voix un long et déchirant chorus de saxophone et ses tessitures particulières, très belles qu'il prend parfois comme si la musique devenait pour lui comme une prière, une méditation. Ces concerts nous confirment qu'Offering s'oriente vers une musique extrêmement ouverte au point de vue du style et dont le dénominateur commun des influences serait d'être spirituelle. La plus " élevée pour l'âme " possible. C'est sans doute à cela aussi que le public anglais a été sensible. Pas un instant, il n'a eu affaire à des " clichés ", on sentait que chacun des musiciens était impliqué aussi humainement que musicalement. Vander pourrait se contenter de jouer respectueusement et superbement bien Coltrane derrière ses peaux, il a décidé de continuer son hommage au travers d'une musique qui traverse intacte les époques et les modes. Il y a urgence à la découvrir.